Vous le savez, le gouvernement a fait changer la loi sur l’assurance chômage. Vous retrouverez les éléments de langage du gouvernement et de ses perroquets télévisuels ou radiophoniques dans cette vidéo du journal l’Humanité. Vous trouverez le texte et les informations officielles sur cette réforme à cette adresse. En substance :

Le projet de loi permet de prolonger les règles actuelles de l’assurance chômage, avant une nouvelle réforme le 1er février 2023 qui fera varier l’indemnisation des chômeurs avec l’état du marché du travail. Il supprime également l’accès au chômage en cas d’abandon de poste ou de refus de CDI.

Tout d’abord, qu’est-ce-que le chômage ? vous pouvez aller lire ici :

Le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) comptabilise les personnes en âge de travailler (conventionnellement 15 ans ou plus) qui :
1°) n’ont pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence ;
2°) sont disponibles pour travailler dans les deux semaines ;
3°) ont entrepris des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent, ou ont trouvé un emploi qui commence dans les 3 mois.
Le chômage au sens du BIT constitue un indicateur de référence pour l’analyse des évolutions du marché du travail. Il est estimé par l’Insee à partir de l’enquête Emploi. Cette enquête est en effet la seule source permettant de mettre en œuvre les définitions préconisées par le BIT sur le chômage, l’emploi, le sous-emploi et l’activité.

Je rappelle tout de suite que le chômage est un droit, que les personnes au chômage sont des travailleurs et travailleuses comme les autres, leur particularité est qu’ils et elles n’ont pas d’employeurs. Ils restent des prolétaires, qui comme tous les autres doivent vendre leur force de travail pour subvenir aux besoins qui leur permettront d’assurer leur reproduction matérielle. Parler d’assurance chômage est une première défaite du camp des travailleurs et des travailleuses, c’est un droit, un salaire que se versent entre eux et entre elles les travailleurs et travailleuses par la cotisation, les personnes qui travaillent cotisant pour celles qui n’ont pas d’employeurs en ce moment. Maintenant que ces précisions sont faites regardons de plus près les arnaques prévues par le gouvernement.

La promesse, telle que dictée par le ministre et ses perroquets sur les plateaux est donc la suivante, si le marché de l’emploi se porte bien, alors l’accès à ses droits sera plus court, si le marché de l’emploi se porte mal, alors l’accès à ses droits sera plus long. Premier mensonge ici, en effet, ce qui est prévu est la chose suivante : si le marché de l’emploi se porte bien, alors l’accès à ses droits sera plus court (durée d’accès aux droits minimisée de 25%, pour un maximum de 18 mois), si le marché de l’emploi se porte mal, alors la durée d’accès à ses droits sera maintenu au niveau actuel (pour maximum de 24 mois).

Premièrement, cette réforme fait suite à la réforme précédente de 2019. Le gouvernement réforme donc sa propre réforme sur les droits au chômage, cette dernière ne semble donc pas satisfaisante à son goût, cocasse. Lisons ensemble ce qui est prévu : « Le nouveau régime annoncé, qui sera intégré dans un décret et applicable du 1er février au 31 décembre 2023, prévoit une baisse de 25% de la durée maximum d’indemnisation lorsque le taux de chômage est en-dessous de 9% ou qu’il ne varie pas de +0,8 point en un trimestre. » Pour le gouvernement, un taux de chômage faible est situé en dessous de 9%. Pourtant, pour le BIT, le « plein emploi […] à un taux inférieur à 5 % au sens du BIT. Il n’existe alors pas de difficulté particulière à trouver un emploi ». Nous pouvons donc constater que pour le BIT, au-dessus de 5% de chômage, il existe des difficultés générales à trouver un emploi. Le gouvernement fait donc le choix de ne pas aligner sa définition de ce qu’est une conjoncture favorable avec celle du BIT. Si nous regardons maintenant les chiffres fournis par l’INSEE, qui calcule en France le taux de chômage au sens du BIT par une enquête trimestrielle depuis 2003, annuelle avant cette date. Nous constatons que le taux de chômage est situé entre 7 et 11 pourcents, depuis 1982. Nous sommes, effectivement revenus au taux le plus bas depuis 1982. C’est historique ! Mais ce n’est toujours pas le plein emploi, il subsiste donc des difficultés à trouver un emploi. On se demande donc pourquoi le gouvernement a choisi 9% comme limite de taux favorable, sachant que sur les 47 années étudiées ici, seules 19 sont au-dessus des 9%, et seulement 4 en dessous de 5% et donc considérées en plein emploi.

Regardons ensembles certains chiffres fournis maintenant par le Pôle Emploi.

Les demandeurs d’emploi sont inscrits à Pôle emploi selon 5 catégories : A, B, C, D et E.

CatégoriesDemandeurs d’emploi concernés
APersonne sans emploi, devant accomplir des actes positifs de recherche d’emploi : Démarches régulières de recherche d’emploi pour lesquelles le demandeur d’emploi doit être en mesure de produire un justificatif (candidatures envoyées, participation à des sessions d’aide à la recherche d’un emploi…), à la recherche d’un emploi quel que soit le type de contrat (CDI : CDI : Contrat de travail à durée indéterminée,CDD : CDD : Contrat à durée déterminée, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier)
BPersonne ayant exercé une activité réduite de 78 heures maximum par mois, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi
CPersonne ayant exercé une activité réduite de plus de 78 heures par mois, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi
DPersonne sans emploi, qui n’est pas immédiatement disponible, et qui n’est pas tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi (demandeur d’emploi en formation, en maladie, etc.)
EPersonne pourvue d’un emploi, et qui n’est pas tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi
Les catégories pour le Pôle Emploi

Si on exclu les chômeurs de catégorie E, on obtient les taux de chômages suivants, les données sont issues de l’Insee et du Pôle Emploi.

Nous pouvons constater que la catégorie A du Pôle Emploi (ronds blancs) et le taux de chômage calculé par l’Insee (carrés gris) sont très semblables entre 1996 et 2015 (moins de 1% d’écart) avant d’atteindre un écart de près de 2% en ce moment. Si le chômage diminue au sens du BIT et de l’Insee depuis 2016, il reste bien plus stable pour le Pôle Emploi, avec une nette baisse cependant ces derniers mois? Cependant, pour le Pôle Emploi nous sommes loin d’être revenu au niveau bas atteint fin 2007 début 2008. C’est encore plus criant si l’on prend en compte les chômeurs de catégories B, C et D. Le taux de chômage en France, n’a jamais été aussi haut qu’aujourd’hui, et ce taux est stable depuis 2016, autour de 18% pour les catégories ABC et 20% pour les catégories ABCD. Le taux calculé par l’Insee a baissé, mais cela est probablement dû à des effets de comptabilisation qui n’ont pas de traduction dans le monde réel.

Quels effets peut-on attendre d’une telle loi ? Tout simplement une augmentation du nombre de personnes en fin de droits et qui n’auront donc plus de salaire pour vivre. Mais cela n’aura aucun effet sur le chômage. La raison est très simple, il n’y a pas d’emploi en France. Alors certes, nous sommes passés d’1 emploi pour 50 chômeurs de catégorie A en 2010 à 1 poste pour 13 en 2021 (voir ici) mais cela veut toujours dire qu’il n’y a pas de boulot. En 2022 on reste à 1 contrat disponible pour 16 personnes en catégorie ABCD (personnes en recherche active d’un poste). D’autant plus que le Pôle Emploi explique que bien souvent l’abandon du processus de recrutement est le fait de l’employeur qui ne trouve pas de personne à la qualification requise pour le salaire proposé et les durées de travail proposées. Alors oui on est passé de 200 000 à presque 400 000 offres non pourvues, mais cela reste que même si demain on arrive à les pourvoir, on passerait de 2,9 millions de chômeurs de catégorie A à 2,5 millions. Une baisse du taux de chômage de 4 points, on passerait de 12% en catégorie A à 8%. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Pour rappel, en France, une heure de travail produit 70€ de richesse en moyenne. Le salaire horaire médian brut en France est de 15€ de l’heure, le moyen est de 18€ de l’heure, si on y ajoute les 30% moyens de cotisations patronales on obtient environ 24€. Le capital nous vole notre richesse produite, en moyenne 46€ par heure que nous travaillons. Pour chaque heure travaillée en moyenne dans ce pays, 46€ disparaissent de nos poches et des cotisations. En moyenne, nous recevons 24€ par heure de travail, soit en salaire direct, soit en cotisations et impôts qui alimentent notre salaire indirect (sécurité sociale, allocation chômage…). Le Réseau Salariat suggère que 30% du profit est directement attribué au profit. De mon côté et si on reprend les chiffres que j’ai avancés plus avant, nous sommes autour de 66% des bénéfices liés au travail vont dans les poches du capital (ce dernier pouvant s’acquitter d’impôts, régler ses factures, payer ses loyers, acheter du matériel ou se verser des dividendes). Pourtant ce qu’il faut faire est assez simple, le salaire à vie version Friot.

Bref, une réforme de plus qui ne résoudra rien, et ne fera qu’une chose, précariser encore plus les conditions de vie d’un nombre toujours croissant de personnes.

Y.G.