Il y a 15 jours, nous apprenions que la ville de Poitiers et celles de Grand Poitiers qui en ferait la demande, allaient être déployées des trottinettes et vélos électriques en libre-service dans les rues de Poitiers. Nous en avions fait un article disponible ici, mais nous n’avions pas perçu l’arnaque de ce service ! Retour donc sur ce sujet, avec une enquête chiffrée et sourcée, en exclusivité pour la Nouvelle Réduslipe, en collaboration avec Église Glucet de Crash Investigation.
Nous l’apprenions le 03/10/2022, les trottinettes et vélos en libre-service de Pony vont envahir les rues de Poitiers prochainement. Mais il y a une chose sur laquelle nous n’avions pas mis l’accent. Le prix exorbitant de ce « service » privé du transport. C’est lors d’une discussion avec le plus précaire des membres de la rédaction que nous avons pris conscience de l’arnaque à venir. Nous avons donc contacté Église Glucet pour qu’elle nous aide à mener l’enquête.
Les prix annoncés sont les suivants : 1€ à l’activation et entre 15 et 22 centimes la minute pour les trottinettes électriques, ce qui est dans la même veine que les prix pratiqués à Angers par exemple (soit 1€ d’activation + 19 centimes par minute). La différence de prix à la minute dépend de la durée d’utilisation et de la situation sociale de la personne louant la trottinette. La promesse de donner accès à sa situation financière et fiscale à une entreprise privée est toujours une perspective réjouissante, nous pouvons pour cela remercier nos élus·es !
Pour moi c’est 159€04 par mois
Grabin Planett
Église Glucet a recueilli pour nous les témoignages de Grabin Planett, étudiant, et Franky Angelobt vice-président de Grand Poitiers en charge des mobilité et présidence de Vitalis.
Grabin Planett lui a expliqué sa situation personnelle. : « Moi c’est bien simple, j’habite Grand’Rue et je vais à la fac sur le campus, j’en ai pour 4,5km par la pénétrante, soit 12 minutes le matin, minimum 2€80. Le soir pareil sauf que comme il n’y a pas d’allocation d’autonomie pour les étudiant·es j’ai un travail en parallèle de mes études. Je bosse comme poissonnier à Auchan Sud. Alors faites le calcul, ça fait 8km, soit 20 minutes et 3€88. Ensuite je dois rentrer chez moi, 5km, 13 minutes et 3€. Vous vous rendez compte madame Glucet ? C’est 5€60 les jours où je ne travaille pas et 11€48 les jours où je bosse. Cela représente un budget de 39€76 par semaine, pour moi c’est 159€04 par mois. Vous vous rendez compte ou pas ? C’est 9€ plus cher que le tarif 18-27 ans de Vitalis à l’année pour une personne en QF4. Même au tarif max, le bus c’est 200€ à l’année, en même pas 2 mois c’est déjà rentable de prendre le bus. Seulement, c’est sûr la trottinette c’est plus rapide et plus flexible que le bus… De toute façon pour moi le choix est vite fait, à Décat, pour 800€ on peut avoir une bête de trott’ ! En 5 mois c’est déjà rentable, moins d’un semestre ! »
un ticket de bus c’est 1€40, soit 2 minutes de trottinette
Franky Angelobt
Seulement Grabin Planett est un militant de la FI (Frange Insoumise) et il est possible que ses propos soient caricaturaux de la situation, comme toujours parmi les membres de ce mouvement presque factieux. Église Glucet est donc allée interroger Franky Angelobt. Voici ce qu’il lui a dit :
« En réalité c’est probablement l’un des meilleurs coups de maître que nous ayons fait pour Vitalis, en effet, l’offre de transport privé que va proposer Pony aux pictaviens (et pictaviennes ndlr) l’est à un prix bien trop élevé. De fait, les usagers vont naturellement se reporter vers les bus, sans que nous n’ayons à changer quoi que ce soit dans le niveau de service ou les tarifs proposés par Vitalis. Même la plus chère de nos formules d’abonnement annuel à 400€ est rentable en quelques mois d’utilisation de ces trottinettes. En réalité ce service de trottinettes en libre-service s’adresse avant tout aux personnes qui n’ont pas à se déplacer trop loin de chez elles. En effet, un ticket de bus c’est 1€40, soit 2 minutes de trottinette. Notre conseil aux futurs utilisateurs (et utilisatrices ndlr) est de ne pas dépasser les 2 minutes de trottinette, soit 800 mètres environ, c’est donc parfait pour se rendre de la mairie à la place Charles VII et au siège d’EELV (Ensemble Évitons les Vélos) sans avoir à marcher 6 minutes. C’est tout de même un gain de temps de 4 minutes, et dans une journée bien remplie ce n’est pas rien ! »

Vous l’aurez compris, cette enquête révèle que ce service de trottinette en libre-service (qui n’a de libre que le nom puisque les tarifs sont exorbitants !!) est un « service » qui a une utilité toute relative. En effet, Poitiers et Grand Poitiers offrent déjà des alternatives via les vélos CAP ou aux bus Vitalis qui seront presque toujours moins chères à la journée et toujours moins chères lorsque vous prendre un abonnement annuel. Pour résumer la situation, Crash Investigation a réalisé le tableau suivant, présentant la situation de 3 personnes fictives qui ne vivent que pour travailler et sans loisirs, ne sortant de chez elles que pour aller au travail. L’hypothèse pour la voiture, est une voiture essence achetée à 4000€ d’occasion, une assurance auto à 20€ par mois et des frais d’entretien classiques, avec une durée de vie pour la voiture estimée à 5 ans seulement et un prix de l’essence à 1€90 le litre de SP95. Les projections de Crash Investigation nous permettent donc de voir que dans les 3 scénarios envisagés ici, la trottinette de Pony est toujours ou presque la solution la plus chère, même avoir une voiture est moins cher…
Bref vous l’aurez compris, une fois de plus la puissance publique se met au service du capital pour lui offrir sur un plateau doré un accès à un marché où il va pouvoir plumer les citoyen·nes. Ne vous faites pas avoir !
Y.G. et Église Glucet